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Panorama : l’Europe du bioéthanol existe t-elle ?

Le développement des biocarburants est l’objet d’une volonté politique constamment réaffirmée par l’Union européenne dans le cadre de sa politique de lutte contre le réchauffement climatique. La Directive Energies Renouvelables adoptée en codécision par le Conseil Européen et le Parlement en décembre 2008 fixe à 10 % le taux d’utilisation de d’énergie renouvelable dans le secteur des transports d’ici 2020.
Mais tous les gouvernements ne sont pas au diapason.

Le saviez-vous ? Dix-sept des états membres produisent de l’éthanol-carburant. La production a chuté dans 5 des 18 pays producteurs tandis qu’elle augmentait dans 12 autres. Après une croissance modérée en 2007 (11 %), l’augmentation de la production européenne a approché 60 % en 2008.

La production totale estimée de l’UE en 2008 été de 2,8 milliards de litres contre 1.8 milliards de litres l’année précédente. Cette augmentation conséquente de 56 % provient en grande partie de la croissance de la production française.

Elle a presque doublé, atteignant 1 milliard de litres en 2008 (contre 539 millions en 2007). Ce qui fait de la France le plus gros producteur, suivie par l’Allemagne dont la production (568.5 millions de litres) a aussi augmenté de 32 %. Ensuite vient l’Espagne avec 317 millions de litres.

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Produire local, voire équitable ? L’UE a adopté des critères de production durable, mais rien de comparable n’existe pour encadrer les importations. Conséquence, tant en termes de compétitivité que de maintien d’emplois, de nombreuses voix se font entendre contre un recours trop massif aux importations pour atteindre les objectifs. Bruxelles est le cadre “naturel” de ces débats et l’appui européen se révèle indispensable, face notamment aux positions de certaines associations écologistes sur les carburants de première génération.

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Valérie Corre, directrice générale de l’Union européenne des producteurs d’éthanol (UEPA).

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Rob Vierhout, secrétaire général de l’European Bioethanol Fuel Association (eBIO).

« La promotion de la consommation de bioéthanol et des énergies renouvelables en général doit s’inscrire dans la durée pour être réellement efficace au regard des objectifs visés. Or cette promotion est très sensible aux variations du prix du pétrole notamment et il est crucial d’établir un cadre durable pour contenir ce phénomène. Taxer le CO2 pourrait être une mesure efficace dans ce sens. L’Europe veut aussi promouvoir une forte industrie du bioéthanol car elle a un potentiel agricole important et une dépendance énergétique inquiétante. Là aussi, des mesures sont nécessaires afin d’atteindre cet objectif. Les producteurs ont investi des milliards d’euros dans de nouvelles unités de production, créant ainsi des milliers d’emplois. Mais le marché européen est saturé d’éthanol importé alors que la demande en bioéthanol n’évolue pas du tout au même rythme. Une grande partie de ces importations entre sous forme de mélanges. Tout cela menace les investissements, les emplois lancés, les objectifs visés, mais aussi les chances de l’Europe de jouer un rôle international majeur dans ce domaine, notamment au niveau de la recherche scientifique. L’Europe doit se doter d’une politique claire et cohérente en matière commerciale à l’instar du Brésil et des USA. Il est urgent d’adresser l’ensemble de ces questions et de mettre en place une approche équilibrée dans laquelle tout le monde sortira gagnant. La Commission a bien compris les préoccupations du secteur et a entamé une réflexion sur ce dossier qui, nous l’espérons, mènera prochainement à des actions concrètes et rapides. » « Nous avons eu une année 2008 plutôt difficile car nous avons été confrontés à de nombreuses critiques. Mais elle s’est bien terminée avec la fixation par l’UE d’objectifs précis et prometteurs pour les producteurs de bioéthanol jusqu’à 2020. Donc, mon regard prospectif sur les années à venir est globalement positif. Mais n’en demeurent pas moins quelques inconnues sur la profitabilité de la filière. Elles proviennent notamment des critères durables assignés par l’UE à la production européenne. Ils ne sont pas un problème en soi. Mais le risque est de provoquer un surcoût de notre éthanol qui le rendrait moins attractif pour les compagnies pétrolières. D’autre part, il serait souhaitable d affiner le projet politique européen d’approche équilibrée (dit « balanced approach ») en ce qui concerne les volumes importés. Songez que le taux d’importation au Royaume-Uni est de l’ordre de 80 %, comme en Suède. Cette approche équilibrée devrait être au moins de l’ordre de 50/50. voire plus pour la filière européenne dans son ensemble. »
Allemagne, Royaume-Uni, Suède : des situations nationales largement diversifiées

Allemagne
En mai 2009, le gouvernement donne un nouveau coup de pouce aux biocarburants. Objectif : atteindre 10 % d’énergie primaire d’ici 2020, contre 5 % en 2009.
En 2008, les nombreux partisans des biocarburants ont marqué des points après une période critique. Sigmar Gabriel, le ministre allemand de l’environnement explique que « nous pouvons atteindre l’objectif des 10 % de biocarburants en Europe sans entrer en conflit avec les besoins alimentaires ». Le secrétaire d’état aux transports, Matthias von Randow, a lui aussi exprimé son soutien à l’objectif des 10 %.

Royaume-uni
Selon Rob Vierhout, secrétaire général de l’European Bioethanol Fuel Association (eBIO), la position des Britanniques par rapport au bioéthanol semble emprunte d’un certain scepticisme. « Ce sont les mêmes responsables qui plaident en faveur de critères de production durables, tout en favorisant 80 % de la consommation en importations. » Qui ne sont assujetties à aucune norme durable, au grand regret de la Commission Européenne dont le mandat s’achève.
Pour certains, il aurait fallu s’inspirer du Super Unleaded 99 que vendent les supermarchés Tesco en Angleterre. Avec un indice d’octane de 99 (au lieu de 95 en France), ce carburant serait à leurs yeux le préféré de tous ceux qui ont un moteur à hautes performances.

Suède
En Suède, L’agence Bio Alcohol Fuel Fondation, (BAFF) regroupe les organismes publics et les parties prenantes dans la production et la distribution du bioéthanol. Plus de 400 stations-service, soit 10 % du réseau national, en proposent. Le bioéthanol est stratégique et tous les biocarburants sont détaxés à 100 % . Mais, souligne Valérie Corre, « la détaxation ne suffit pas quand le prix du baril de pétrole est très bas. De sorte que le E85 est dans une situation difficile. ». Et ce pays, comme d’autres, importe 75 % de sa consommation hors UE, ce qui contredit un autre objectif, à la fois géopolitique et économique : la réduction des importations énergétiques. « Ce pays, qui compte depuis peu une seconde unité de production, n’a pas un potentiel agricole considérable. Il faut donc comprendre son point de vue », tempère Valérie Corre. Les ventes de véhicules flex fuel au bioéthanol ont atteint 100 000 unités en octobre 2008.